Suite et développement du premier document sur la métaphysique des causes appliquée aux accords FSSPX-Rome.

 


De la métaphysique à la Sagesse

Les quatre causes sont universelles et s’appliquent à tous les êtres car ce sont des principes d’Être (et non des êtres) et sont donc applicables à tous les êtres particuliers, que ceux-ci soient substantiels (un homme, une chaise, un avion…) ou qu’ils soient des êtres d’unité d’ordre (une famille, une cité, une société exemple : ordre monastique, un État ou l’Église, etc.).

Les quatre causes constituent donc une loi métaphysique1 du monde en étant justement des principes universels. Nous l’appelons loi du monde, pour signifier que ces causes, non seulement s’appliquent à tous les êtres, et cela de façon identique, pour tous les êtres réels, toujours et partout.

En observant ces causes de manière plus précise, nous percevons à la suite des grands philosophes de l’École Réaliste2, que ces quatre causes sont en interaction entre elles et que cette interaction se fait de façon hiérarchisée. On dit que les causes interfèrent entre elles, c’est-à-dire en quelque sorte, qu’elles se causent mutuellement.

Ainsi nous découvrons que cette connaissance est une Sagesse, en tant qu’elle est connaissance de la nature3 et de sa finalité.

La métaphysique des causes révèle ainsi la manière d’agir, soit en bien, soit en mal, autrement dit la connaissance de la finalité et des moyens pour l’obtenir (inhérents principalement à la forme comme nous le verrons) nous permettra de poser des actes correspondant en vue de cette finalité.

Si nous reprenons l’exemple de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, celle-ci possède comme tout être quatre causes, de même que l’église conciliaire. Ces quatre causes produiront analogiquement les mêmes effets. Leur connaissance nous permettra alors de prévoir pour la Fraternité quels faits se produiront irrémédiablement et inéluctablement dans l’avenir.

Ceci est d’une grande importance si nous l’appliquons aux récents événements, et une grave question se posera à nous :

La FSSPX en entrant de plein pied dans l’église conciliaire, en se mettant directement sous l’autorité de Rome, c’est-à-dire ne formant dès lors plus qu’un seul être avec l’église conciliaire, pourrait-elle d’une part conserver vraiment, totalement et toujours la Foi traditionnelle, et d’autre part agir « intra-muros » pour la transformer de l’intérieur afin d’obtenir un retour de cette Rome conciliaire à la Tradition.4

 


De la relation et de la hiérarchie des causes

La connaissance des quatre causes aussi importante soit-elle (comme le montre le tableau ci-dessus par rapport à une chaise, la FSSPX et la Rome moderniste) ; ne restera que parcellaire si elle ne s’accompagne d’un autre principe universel, celui de la hiérarchie des causes. C’est-à-dire de leurs interactions hiérarchisées, leurs réciprocités et spécificités respectives.5

L’étude attentive de ces causes dans l’observation du Réel, source concrète de la connaissance véritable6, nous permettra de découvrir, parmi toutes les lois qui régissent les quatre causes, cette ô combien nécessaire et précieuse hiérarchie des causes.

Pour être tout à fait précis nous dirons qu’il existe en fait deux hiérarchies des causes. L’une du point de vue de l’Acte (la finalité) et l’autre du point de vue de l’Efficience.7 Nous nous bornerons à la hiérarchie selon l’acte qui est en même temps la hiérarchie que l’on pourrait qualifier de pratique (fonctionnement des causes pour atteindre la Fin) vis-à-vis de la seconde plus spéculative (connaissance des causes vis-à-vis de la cause Efficiente).

La conclusion certaine, absolue, vérifiable est d’affirmer : la cause efficiente forme la matière en vue d’une fin spécifique à la forme.8

Prenons l’exemple de la chaise. La « forme de chaise » est donnée par le menuisier au bois dans le but de faire une chaise et non une table ou une bibliothèque. C’est donc bien la forme donnée par la cause efficiente en vue d’une fin spécifique qui spécifie la finalité de l’être entier. Et cette forme qui est donnée par la cause efficiente, la matière ne peut la recevoir que passivement et donc la matière se voit contrainte par la forme d’atteindre la fin correspondante.

Nous pouvons encore prendre l’exemple d’un voyage en train. Le voyage « Paris-Marseille » ne sera pas le même que le voyage « Paris-Brest ». En effet il semble que la cause matérielle soit identique (le train) mais c’est la forme donnée par la SNCF qui fera que le train aille à Marseille et non à Brest. Ainsi vous aurez beau dire « mais je suis dans le train (cause matérielle) je veux aller à Marseille », si vous montez dans le « Paris-Brest » (cause formelle), vous irez irrémédiablement là où la SNCF (cause efficiente) vous mènera : à Brest (cause finale spécifique à la forme donnée par la cause efficiente).

 

À suivre.

Thomas Audet
Pour Stageiritès

 


1 En effet la Physique exprime la philosophie en lien avec la matière, donc avec la forme dans le composé hylémorphique, tandis que lorsque nous parlons abstractivement de la forme, puis de la cause efficiente et de la cause finale, nous sommes dès lors en Métaphysique. Cf. Henri-Dominique Gardeil, Initiation à la philosophie de Saint Thomas, IV, Métaphysique, p.126 et s.

2 Comment donc peut-il exister une autre philosophie qu’une philosophie Réaliste ?

3 La nature étant l’essence en acte, connaître la nature d’un être c’est logiquement connaitre sa finalité. Car toute nature est dotée d’une exigence de nature qui est son actualisation ou sa finalité.

4 Une subversion pour le bien en somme. Cf. Mgr Lefebvre cité par Mgr De Galaretta dans Réflexions autour de la proposition romaine : « Ce sont des choses qui sont faciles à dire. Se mettre à l’intérieur de l’Eglise, qu’est-ce que cela veut dire ? Et d’abord de quelle Eglise parle-ton ? Si c’est de l’Eglise conciliaire, il faudrait que nous qui avons lutté contre elle pendant vingt ans parce que nous voulons l’Eglise catholique, nous dans cette Eglise conciliaire pour soi-disant la rendre catholique. C’est une illusion totale. Ce ne sont pas les sujets qui font les supérieurs, mais les supérieurs qui font les sujets. » (Fideliter n°70, p. 6)

5 Pour un aperçu de cette doctrine cf Nature de la société politique¸ Bernard de Midelt, REP, chapitre 1 à 3. Disponible Edition AFS.

6 Pour une étude précise sur la valeur de la connaissance, lire Critique de la connaissance, du R.P Toncquédec.

7 Saint Thomas d’Aquin, Les principes de la réalité naturelle, éd NEL, 1963 p. 81 : « et de même, la cause efficiente, qui est moteur vers la fin, est antérieure à la fin dans l’ordre de la production et du temps ; mais la fin est antérieure à la cause efficiente en tant qu’efficiente dans l’ordre de la substance et de ce qui la complète, puisque l’action de la cause efficiente n’existe complétement que par la fin. »

8 Pour la seconde hiérarchie des causes en vue de la cause efficiente on conclut : pour la fin la cause efficiente forme la matière.