Cette question m’a été posée par un prêtre ami, et celle-ci l’avait déjà été pour lui par un de ses confrères quelques jours auparavant. En me posant cette question, il me tendit le numéro 364 (554) de mars-avril 2013, intitulé « Avec le pape contre l’homo-hérésie ».

Il faut bien convenir que cette publication commence à faire douter de son objectivité et de sa qualité doctrinale, tant théologique que politique (ce n’est pas peu dire), à la suite des numéros suivants :

  • le numéro 362 (552), janvier2013, intitulé « Politique chrétienne ou politique séparée ? » laissant libre place aux divagations plus lubacianno-maritainistes et augustinistes que prétendument thomistes de l’a. Guillaume Devillers, que nous avons fait remarquer dans Stageiritès par plusieurs articles[1].

  • le numéro 363 (553), février 2013, intitulé « Peut-on parler d’église conciliaire ? » qui donne la plume à l’a. Jean-Michel Gleize, pourtant si doué par ailleurs, et qui essaie de nous démontrer que le modernisme et le libéralisme à Rome ne seraient qu’une tendance depuis plus d’un demi-siècle ; que celle-ci ne saurait aucunement s’enraciner sur une quelconque structure organisée en place dans la structure de l’Église catholique. C’est ce fantôme que l’on appellerait à tort « église conciliaire ». Heureusement, son Excellence Monseigneur Bernard Tissier de Mallerais ne s’est pas perdu dans de telles subtilités idéalistes à Villepreux, ce dimanche de pentecôte 2013, lorsqu’il qualifia l’église conciliaire de secte. Bernard de Midelt a répondu par un court article à ce tissu de sophismes.[2]

 


Jamais deux sans trois ? Le Courrier de Rome entérine sa tendance libérale

C’est donc avec un étonnement renouvelé que nous avons pris connaissance de ce dernier numéro qui laisse la plus grande place au « Père Dariusz Oko, prêtre polonais, en raison de l’importance de son traité » ; tel que nous le présente un minuscule paragraphe introductif, qui poursuit ainsi : « l’auteur ne fait pas partie de notre famille de pensée, certains de ses points de repères ne sont pas les nôtres, mais cela ne retire rien à la valeur documentaire de cette courageuse étude ». Remarquons au passage que le Courrier de Rome  ne condamne pas ces « points de repères [qui] ne sont pas les nôtres », mais ne soyons plus étonnés outre mesure de la légèreté de cette revue.

Loin de nous l’idée de contester l’intérêt, somme-toute relatif, d’un exposé sur l’ampleur des homosexuels dans l’Église, et encore moins de nier le mérite personnel attaché à son auteur dans l’accomplissement d’un combat aussi pénible. Cependant, il conviendrait de savoir si, précisément en la matière, il n’aurait pas plutôt fallu produire une véritable étude approfondie des principes qui mènent à condamner et à combattre l’homosexualité chez les clercs, et pourquoi elle est incompatible avec le sacerdoce divin. Ce qui n’empêcherait pas de poursuivre, en se basant sur ledit article du p. Dariusz Oko, par un exposé des faits survenants en ce moment dans l’Église. Il n’est malheureusement nulle part fait allusion à la gravité immense du péché d’homosexualité dans l’article du Courrier de Rome, un abominable péché mortel qui est, rappelons-le, un des rares crimes « qui crient vengeance devant Dieu ».

 


Un mot sur la « méthode » de l’auteur

« Dans la discussion, il faut toujours partir du principe fondamental et axiomatique que chacun de nous a certainement une connaissance seulement partielle de chaque sujet, et que cette connaissance est probablement en partie inexacte. Ce principe devrait conduire à la simple exposition du point de vue de chacun et à l’écoute attentive des arguments des interlocuteurs ou des adversaires »[3]. S’ensuit une apologie de l’enrichissement mutuel. Fi donc ! de l’honnêteté et des principes de la logique thomiste fondée sur l’appréhension honnête du réel concret et l’usage habituel du principe de contradiction ![4]

 


Un article tout de même intéressant, mais rempli de venin !

Dès le titre, il y a lieu de s’interroger sur le ton et le sens que voudrait donner la publication : « Avec le pape contre l’homo-hérésie ». En effet, de quelle manière serions-nous « avec le pape »[5] et surtout contre une prétendue « homo-hérésie » ? Rappelons au Courrier de Rome qu’un péché dans l’ordre moral n’est pas une hérésie !

Pour bien saisir le scandale que ce texte répand, il faut se rappeler que le Courrier de Rome est disponible sur toutes les tables de presses de nos chapelles. Ainsi, tous les fidèles peuvent se le procurer et croire pour véridique, ou pour un enseignement digne de la Tradition, ce qu’il contient. Laissons parler le Courrier de Rome :

- « La situation [actuelle de l’Église] est semblable à celle qui existait au début de la Réforme protestante, quand des nations entières se détachèrent de l’Église Catholique. Les principales causes de cet éloignement étaient la grande décadence morale et la vie dissolue que menaient certains ecclésiastiques »[6]

Ainsi, il faut croire que c’est « l’homo-lobby » dans l’Église qui ruine celle-ci et non le Concile Vatican II.

- « De même que le Concile de Trente chercha à sauver l’Église au moyen de sa conversion et l’augmentation de la discipline, de même Benoit XVI cherche maintenant à la sauver […] »[7]

Comparer Trente à l’action de Benoit XVI nous parait au moins une bouffonnerie, lorsque l’on sait que le principal objectif de ce saint Concile fut de clarifier le dogme et la foi catholique contre les protestants en particulier, alors que Benoit XVI les invite à prier à Assise avec toutes les religions du monde. Plus sérieusement, il faudrait peut-être se souvenir que ce n’est jamais un Concile ou un Pape qui « sauve l’Église », qui « convertit l’Église ». Certes, l’auteur parle probablement de l’Église militante ou du moins de l’Église sociologique. Mais, tout de même, à force de manquer de précision on finit par tout confondre. C’est l’Église qui nous sauve ! Ce passage est invraisemblable.

- « Benoit XVI … un des plus grands théologiens de notre temps ». [8]

Si le Courrier de Rome n’était pas au-delà de tout soupçon de ralliement on croirait fort bien lire ici un panégyrique post-mortem déçu par l’échec des accords entre Rome et la FSSPX.[9]

- La défense de la vérité absolue dépend « d’une fidélité à la conscience ».[10]

Nous pensions pour notre part, comme le catéchisme, que la « vérité absolue » dans l’Église venait du Magistère traditionnel, de la Sainte Ecriture et de la Tradition.

- « Benoit XVI est un grand don de la Providence, de même que son vénérable prédécesseur Jean-Paul II. Soyons donc du coté de Benoit XVI comme nous avons été du côté du bienheureux Jean-Paul II le Grand. Quel duo apostolique ils ont créés ensemble, si merveilleux, sage et courageux ! »

Nous ne sommes plus très sûrs de lire une publication de la Tradition …

Mais le pire reste à venir :

- « l’Église est assez bonne pour qu’ils (la saint Vierge Marie et le Christ) y demeurent pour l’aimer et la défendre. Parce que cette Église a justement le plus de Dieu, donc le plus de vrai, du bien et du beau […] »

C’est une hérésie niant que l’Église catholique possède pleinement Dieu et la vérité.

 


Conclusion : trois questions au Courrier de Rome

Le lecteur comprendra notre extrême perplexité devant la suite de ces parutions, toutes plus déplorables les unes que les autres, et nous pensons être en droit d’en demander des comptes aux dirigeants de cette revue.

  1. Ont-t-ils ce désir de subversion propre à l’État moderniste et surnaturaliste[11], qui est de confondre le naturel de la Cité et le surnaturel de l’Église, tel le mondialisme New Age pseudo catholique hérité de Maritain, de Lubac, de Congar, de Teilhard de Chardin et de Vatican II ? (numéro 362 (552))

  2. Sont-t-ils définitivement ralliés à la Rome conciliaire, dont ils nient l’existence pour mieux nous forcer à y entrer avec eux ? (numéro 363 (553))

  3. Ont-ils décidé d’utiliser la méthode subversive et communiste de la manipulation pour arriver à leur fin : corrompre le lecteur par l’insertion d’informations à caractère scandaleux dans un texte « autorisé » ? (numéro 364 (554))

 

Thomas Audet Pour Stageiritès

 


[1] L’augustinisme politique à la une du Courrier de Rome et Les habiletés de l’abbé G. Devillers [2] Qui enseigne la liberté religieuse ? [3] Courrier de Rome 364 (554), Avec le pape contre l’homo-hérésie, p1. [4] Appelé à tort principe de non-contradiction. [5] Dans l’extrême confusion des esprits suscitée par la crise au sein de la FSSPX par rapport  aux conditions d’un accord avec Rome, ce titre est au moins imprudent. [6] Courrier de Rome 364 (554), Avec le pape contre l’homo-hérésie, p7. [7] Ibid, p7. [8] Ibid, p7. [9] En parallèle, il faut absolument lire : Mgr Tissier de Mallerais, L’étrange théologie de Benoit XVI, édition du Sel. 2011. [10] Ibid, p7. [11] De fait « moderniste » et  « surnaturaliste » sont quasiment des synonymes : le salut universel par la non-gratuité du salut, par l’exigence de surnature dans la nature humaine ; l’appel de tous les hommes au salut ; le droit de tous les hommes à être gouvernés comme devant être sauvés ; etc. etc. etc.