Introduction

« La prudence parfaite se trouve chez l’homme qui possède la claire notion de ses actes, tandis que la prudence imparfaite est le fait de ces animaux qui sont régis par des instincts spécialisés pour accomplir des actions qui ressemblent à celles de la prudence » Saint Thomas d’Aquin (Somme théologique,  Ia  IIae, Q3, a6).

Une fracture est apparue au sein de la « Résistance » au ralliement. D’un côté, les partisans de la sortie de la Fraternité, et de l’autre, ceux de la continuité du combat pour la FSSPX.

La situation actuelle de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X demande une analyse précise et complète. Ce qui n’est dès lors présents nulle part chez les deux partis en présence. Rien d’étonnant à cela tant le combat des idées est un combat délaissé par notre « famille de pensée ». Or un combat demande aux combattants un entraînement, des compétences et par-dessus tout, des habitus. L’analyse nécessaire devra être rationnelle, c’est-à-dire prenant sa mesure dans la réalité. Encore faut-il posséder la structure intellectuelle vertueuse qui corresponde. Il ne s’agit pas de déformer la réalité en fonction de nos sentiments, ni surtout de nos désirs ou de nos craintes, il est impératif de sortir du domaine des passions.

Faut-il quitter la FSSPX hic et nunc ? La réponse est non. Et nous allons le démontrer.

 


 

Le constat du réel

Il n’est pas acceptable de concevoir les choses autrement que ce qu’elles sont réellement maintenant, concrètement en ce moment précis.

Y a-t-il aujourd’hui à l’heure où nous écrivons, et au moins à moyen terme, un accord entre Rome et la FSSPX ? La réponse est non.  C’est ce type de situation qui justifierai réellement de se poser la question s’il faut rester ou partir. Concrètement, Mgr Fellay n’a rien signé. Même si lui-même continue à être libéral et obnubilé par la romanité, il est clair qu’il n’y a pas d’accord. Revenir au réel est capital. Il faut cesser de trembler comme de petits enfants et commencer à agir en adulte.

S’il y a quelque chose à tenter pour sauver la FSSPX ou pour continuer la Tradition, c’est d’abord en commençant par ce constat. Seulement ensuite peuvent se poser les questions d’ordre prudentiel.

 


Quel est le discours officiel de la FSSPX ?

En étudiant le discours officiels nous ne voulons pas affirmer l’inexistence d’un possible discours officieux, ou du moins l’existence d’une praxis contradictoire et libérale chez plusieurs membres influents de la FSSPX.

La communication officielle de la Fraternité se concrétise par les communiqués officiels, par les propos du supérieur général et, pour la France, par ceux du supérieur de district M. l’abbé de Cacqueray. Nous trouvons un résumé de la position officielle de la FSSPX dans la lettre aux amis et bienfaiteurs du printemps 2013.

Nous sont formellement détaillés les points suivants :

  • la situation entre Rome et la FSSPX est la même qu’en 1988 ;
  • la FSSPX continue le combat de la foi contre les erreurs du Concile Vatican II, notamment la liberté religieuse, l’œcuménisme et la collégialité et surtout contre la réforme liturgique : le Novus Ordo Missae de Paul VI ;
  • pratiquement : Mgr Fellay a refusé les exigences posées par Rome car celles-ci outrepassaient les principes directeurs de la FSSPX caractérisés par le combat décrit ci-avant.

Conclusion sur le discours officiel de la FSSPX : aucun changement dans les principes, aucun changement dans le combat. La FSSPX reste officiellement attachée à sa finalité qui est de lutter contre le modernisme et de continuer l’œuvre de l’Église en proposant notamment les vrais sacrements, en sauvegardant la messe et un dispensant un enseignement généralement traditionnel (catéchisme etc.).

 


Mgr Fellay est-il guéri de son libéralisme et de son illuminisme ?

Le libéralisme de Mgr Fellay ne faisait plus de doute lorsque fut publiée sa déclaration du 15 avril 2012. Il a tout de même pris un sérieux revers lors de ce retournement romain à la dernière minute et cette réaffirmation romaine quant aux exigences d’acceptation du concile, du magistère nouveau et de la nouvelle messe. Il lui fut par-là concrètement signifié que ce n’était pas lui qui menait les discussions entre Rome et la FSSPX. On pourrait dire « qui menait le jeu ». Comme une proie, on lui a fait miroiter des choses à Rome le laissant s’approcher de plus en plus. Sa manie de romanité le poussant de son coté, il était mure pour un dernier assaut d’exigences romaines. Il est peut-être, dès lors, un peu redescendu des nuages, sans toutefois changer ses aspirations libérales.

Il existe maintenant une certaine fracture de fait chez les prêtres et les fidèles de la FSSPX. Une partie d’entre eux ont perdu toute confiance en l’autorité de la Fraternité. Mais ces réactions restent circonscrites et épidermiques. Un individu se lève parfois pendant une conférence ou une université d’été. Mais rien de concret, rien de solide, rien de durable. Et qu’espérer d’autre ?  Depuis plus d’un an que cette crise est étalée sur la voie publique, personne n’a encore réussi à structurer un quelconque réseau de résistance.

 


 

Faut-il donc « quitter » la FSSPX ?

Peut-on lutter de l’intérieur ?

Avant de répondre à cette question il convient d’en examiner une autre : peut-on lutter à l’intérieur de la FSSPX, contre le libéralisme de l’autorité ?

Sans rappeler plus qu’il ne le faut l’utilité de se taire aux personnes dénuées de formation politique sur un tel sujet, cette question étant politique, c’est à l’intellection du réel qu’il faut s’en remettre.

 

  • Constat de deux éléments majeurs :
  1. L’autorité actuelle se défend d’être libérale.

  2. Lutter nécessite une formation déjà robuste, une organisation (donc un chef et une structure), et surtout des habitus prudentiels.

 

  • De ces deux considérations on tire directement deux conclusions :
  1. Il faut lutter ouvertement contre le libéralisme et non contre l’autorité (puisqu’elle se défend de l’être).

  2. Il faut s’organiser à couvert afin de dispenser la formation requise à la lutte contre le libéralisme.

Il semble qu’en cette simple analyse il y aurait déjà fort à faire plutôt que de perdre son temps en bavardages et en commérages inutiles, en sillonnant, par exemple, le monde des « résistants » pour donner des « conférences » devant quelques « amis » éparses déjà convaincus. Mais quand cessera-t-on l’onanisme intellectuel habituel dans nos milieux ![1]

 

  • La question de la résistance in vivo

La question de la résistance prolongée contre une autorité et une forme donnée par l’autorité à la société qu’elle dirige n’est pas simple. En effet, il est en principe quasiment impossible de résister dans la forme à une autorité directe. (cf. notre article sur la métaphysique des accords)

Or, les faits ont montré que la FSSPX pouvait donner différentes sonorités selon les districts. Par exemple, l’autorité de Menzingen fut parfois mise à mal par une autorité régionale inférieure (Cf.la condamnation musclée d’Assise 3 par l’Abbé de Caqueray, le refus de publication de certains articles par la porte latine, etc. ; ce sont de petites choses, mais elles sont intéressantes), ou au contraire, cette autorité pouvait êtresuivie avec assiduité dans d’autres districts (par exemple : interdiction de diffusion du livre de l’abbé Pivert en suisse).

Mener réellement une activité de résistance demande de très grands efforts et de très grandes prises de risque. Comme nous ne cessons de le dire, ce type d’actions, qui métaphysiquement ne peuvent aboutir sans qu’il y ait une prise de pouvoir effective, sont totalement irréalisables sans une structure, sans un chef et sans prudence politique.

 

  • Tout est-il donc perdu ? Non, pour plusieurs raisons.
  1. Le statu quo entre Rome et la FSSPX permet de se former et se s’organiser. Ces deux dernières années ont vu la « résistance » aux accords se découvrir dans la plus complète inorganisation, celle-ci sans doute causée par l’accélération des événements (attention cependant : l’évènement ne fait pas l’homme, il le manifeste ; si la « résistance » fut pitoyable en action c’est que personne ne disposait des habitus nécessaires à générer une action prudentielle et efficace ; nous ne devons notre « salut » qu’à l’ennemi, c’est grâce à Rome que la FSSPX n’est pas perdue ! Souvenons-nous en avec grande humilité). Profitons de ce temps pour nous former doctrinalement en théologie et en science politique. Construisons-nous. Organisons-nous.

  2. Il existe certains foyers de « résistance » déjà prolifiques et solides doctrinalement : Avrillé, le Moulin du pin, le MJCF, le site Vatican 2 de l’abbé de Caqueray. Il est vrai que politiquement, il n’existe pas grand-chose et ce ne sont pas avec les fidéistes incompétents de Civitas que nous obtiendrons quelque chose.

  3. Maurras disait : « le désespoir en politique est une sottise absolue » ; et cette crise est en outre politique : puisqu’on parle de lutter et de résister dans une société (religieuse) contre une autorité, contre une forme, qui par ailleurs s’occupe de nombreuses choses temporelles bien distinctes des questions religieuses (gestion des biens, des écoles, d’ associations et de mouvements, etc.). Il existe toujours de l’espoir, un changement de direction, des contingences naturelles ou surnaturelles, mais sur ce point, il ne faut pas rêver : le Bon Dieu « se rit des prières qu’on lui fait pour détourner les malheurs publics, quand on ne s’oppose pas à ce qui se fait pour les attirer. »[2]

Conclusion sur ce point : dans les circonstances actuelles il semble difficile, voire impossible, de résister de l’intérieur. Il ne faut pas se voiler les yeux, il n’y a pas de différence formelle entre lutter à l’intérieur de la FSSPX et lutter à l’intérieur de l’Église officielle. Les différences que la « résistance » pourrait entretenir (doctrine, théologie, comportement, …) s’amenuiseront au fur et à mesure que la FSSPX se rapprochera doctrinalement (et formellement) de Rome. La seule véritable solution serait que Mgr Fellay soit remplacé par quelqu’un solide doctrinalement et politiquement.

 

  • Ne pas négligé le bien fait au prochain :

Bien sûr, on peut faire du bien autour de nous (aider, former, “convertir” à l’anti-ralliement). L’objectif est d’expliquer que, même si métaphysiquement il est prouvé qu’il est impossible de lutter efficacement de l’intérieur (attention, les rebelles syriens, par exemple, lutte de l’extérieur en ayant fait scission), ce serait pire de quitter la FSSPX, ce que nous allons démontrer maintenant. Nous rappelons que la finalité de notre article consiste à découvrir ce qu’il convient de faire maintenant hic et nunc. Demain il peut en être autrement.

 


Par suite, vaut-il mieux partir ?

  • Non, parce qu’il n’y a aucun accord, il FAUT du factuel.
  • Non, parce qu’on ne pourra pas faire une deuxième FSSPX.
  • Non, parce que les biens et l’argent appartiennent à la fraternité.
  • Non, parce que les gens sont incompétents et qu’il faut être bon et prudent, ce serait sinon une catastrophe déviante (déviante doctrinalement).
  • Non, parce qu’il faut des évêques. En théorie, un seul suffit, mais en pratique il en faut plusieurs.
  • Non, car pour les fidèles ce serait de l’imprudence, un danger pour les âmes de quitter la FSSPX : la privation de sacrement tue l’âme.
  • Non, parce qu’il n’y a pas d’unité chez la « résistance », et il n’y a pas d’unité parce qu’il n’y a pas de chef légitime et reconnu par tous ; il est donc impossible qu’il y ait quelque chose de structuré, d’organisé et donc de viable.

 


Rester, mais pourquoi faire ?

Ce qui est certain, c’est qu’il n’y aura pas de FSSPX bis. Il n’y a plus de Mgr Lefebvre, ami du Pape, délégué apostolique. Aux lendemains du Concile, la plupart des catholiques savaient encore ce qu’était la Tradition, aujourd’hui plus personne ne le sait même parmi les tradis. Il suffit de voir le niveau doctrinal de notre famille de pensée, d’abord chez les prêtres : surnaturalisme, apparitionisme, fidéisme, jansénisme, moralisme, etc.

Par suite, il est beaucoup trop dangereux de vouloir forcer les prêtres et les fidèles à « partir ». C’est prendre une responsabilité qui ne nous appartient pas. Et qui n’appartient surtout pas à des laïcs comme chez Contre l’Immaculée.

S’il est possible que le Bon Dieu veuille qu’il n’y ait plus que des groupes éparpillés (comme les sédévacantistes aujourd’hui), dans un vaste désert peuplés d’incroyants, mais cela relève de la Providence et non pas de nos volontés. Notre rôle est de défendre ce qui existe. Nous devons poursuivre le Bien Commun de l’Église qui est le saint sacrifice de la messe. Pour l’heure, la seule structure pérenne et viable qui poursuit efficacement cette finalité est la FSSPX. Cependant, il faut être conscient que sans le départ des ralliéristes des postes influents de la FSSPX, les problèmes n’iront qu’en s’accroissant.

Il en est de même de l’État moderne actuel. Aller chercher une possible solution dans les jupes de la justice civile actuelle (nous pensons aux divers procès en cours) nous parait au moins une grave imprudence pour la sauvegarde de la tradition toute entière. A-t-on seulement pris en compte le fait que ce soient nos ennemis qui désirent la chute de la FSSPX, tant chez les ralliéristes que chez nos « hommes d’État » ?

 

Quoi qu’il en soit il reste du travail à l’intérieur :

  • Sauver les « meubles ». Nous avons donné de notre sueur et de notre sang pour construire chapelles et écoles, nous ne les lâcherons jamais.
  • Former et informer. Le combat est aussi un combat intellectuel.
  • Analyser et prévenir. Le combat est aussi un combat médiatique.
  • Se grouper. Il faut absolument se politiser.
  • Préparer l’avenir. Se protéger contre le ralliement. Il faut s’organiser.

   


 

IDS (Contre l’Immaculée) et Mgr Williamson

Quand on lit les platitudes que publie cette curieuse plume numérique qu’est la mal nommée IDS, la webmestre de Contre l’Immaculée, il conviendrait bien plus de rire qu’autre chose. Mais c’est avec grand désarroi (et encore peut-être que notre pensée dépasse ici l’écriture) que nous avons eu confirmation dans le dernier Kyrie Eleison, de l’admiration portée par Monseigneur Williamson à cette énergumène du net.

Il nous paraissait pourtant clair que ce blog ne valait rien, autant par la réflexion très approximative que par l’audace et la malice lamentable de son unique « collaboratrice » (parlant de façon curieuse d’elle-même en « nous » ou en « Contre l’Immaculée dit que » etc.).

Lorsqu’on parcourt cet amas de pixel dont l’argumentation théologique fait cruellement défaut, il semble plutôt que ce blog ne cherche qu’à détruire la FSSPX en attaquant tour à tour prêtres et fidèles de tous bords. Dans la pratique, IDS fait le jeu des libéraux en affaiblissant et en désordonnant la résistance. Par l’éclatement et la dissension, elle fait aussi le jeu des sédévacantistes, qui cherchent depuis longtemps à mettre à mal la FSSPX. Son action, à défaut d’être volontairement mauvaise, n’en reste pas moins dangereusement nuisible. Que des clercs puissent soutenir une telle ineptie morale nous parait dépasser la raison.

Récapitulons : ses articles sont nuls, aucune notion de théologie sérieuse, aucune philosophie, aucun argument rationnel, par contre de nombreuses reprises d’autres textes (souvent mauvais eux-mêmes, mais on n’aime que ce que l’on comprend) ; il n’y a que passion et commérage.

Mais alors c’est cela ! Oui, IDS nous offre en fait de « blog de la Résistance » un nauséabond Paris Match Tradis. Encore que, pour respecter sa qualité, il conviendrait plutôt de le réduire à un Voici ou un Public, revues bien connues pour leur profondeur et leur intérêt.

Alors, lorsque Mgr Williamson se plait à soutenir de telles niaiseries, il convient de réfléchir aux conclusions apportées par les ténors de la « renonciation à la fraternité », même lorsque cette « renonciation » est maintenant promue par un ancien évêque de la fraternité.

Rappelons que des « Monseigneurs », il y en avait 2400 au concile Vatican II. La mitre et la crosse ne font pas le prophète. Par contre, ce qui fait l’évêque, c’est bien le sens de l’organisation : « celui qui doit choisir ou pourvoir à la nomination d’un évêque n’est pas tenu de choisir le meilleur absolument, mais le meilleur pour le gouvernement de l’Église, c’est-à-dire qu’il puisse l’organiser, la défendre et la gouverner pacifiquement », Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, IIa IIae 185, 3 c.

 


 

Conclusion

Quitter la FSSPX est une grave erreur prudentielle, ne serait-ce qu’au point de vue du salut individuel des âmes hic et nunc. Avant de partir, il faut connaître la direction à prendre. Et si c’est pour rejoindre la médiocrité d’une IDS et de ces adeptes puérils et a-politiques, il se pourrait bien que le Bon Dieu appelle cette infraction à la vertu de prudence, un péché.

Il faut revenir au point de départ du combat de la Tradition : « pourquoi je vais à la messe à la FSSPX : pour les sacrements. »

Et sans messe, sans sacrement, pas de salut.

En ce sens Gentiloup vient de publier sur son forum un texte admirable auquel nous souscrivons en tous points de vue.

 

Thomas Audet Pour Stageiritès

 


[1] Le fait de passer son temps à rabacher les mêmes salades dans la plupart des réunions, des colloques, des universités d’été, des congrès SISI NONO, n’est pas sans mettre le doigt sur un semblant de paresse à la formation, à la recherche et à l’étude ; et à l’action.

[2] Histoire des variations des églises protestantes, dans Œuvres complètes de Bossuet vol XIV, Jacques-Bénigne Bossuet, éd. L. Vivès (Paris), 1862-1875, p. 145.